Sarah ou le Cri de la Langouste
Prise au piège de l'usure du temps et de l'oubli, Sarah BERNHARDT tente de terminer ses mémoires et revit avec Georges PITOU, son secrétaire, quelques épisodes de sa vie. Elle arrive à ce grand âge qui la dépasse et où elle n'a plus rien à faire qu'à combler le temps vide, interminable, qui la sépare de la mort qu'elle attend dans un désespoir impatient, coléreux, capricieux, rageur, furieux, insupportable, exalté, délirant. La présence de Georges, conservateur du patrimoine de ses émotions fait revivre l'actrice et exister la femme. Leur duo est un pas de deux, drôle, pathétique, tendre et bouleversant.
Le mot du metteur en scène...
... « Le cri de la langouste ? Mais oui, Oscar Wilde en parle. Au moment d'expirer, dans la casserole où elle cuit, la langouste, reine des crustacés, pousse un cri que personne n'entend. C'est dans ce cri que toute la détresse lucide, toute la solitude accumulée d'une gloire peut s'avouer » ....
Prince Paul Mourousy
SARAH - Drôle et émouvante, mêlant toujours tragique comique, elle dit sa solitude, sa souffrance et sa révolte. C'est un personnage complexe. Cette femme a vécu librement, mais à cette époque, c'était scandaleux... à la fois libre mais plus exposée. Elle revisite son existence sans sentimentalisme, sans complaisance, mais avec cette force de l'humour, ce trait piquant et noble d'une âme qui se devine en train de dépérir. Voyage sans retour oscillant entre l'extravagance voluptueuse et l'intime le plus troublant, le plus pudique. Voguant dans un univers peuplé de visions, de rêves, de cauchemars aussi. Cet état de fébrilité mêlé à cette envie de revenir à une époque lointaine et, en même temps, la peur de se confronter au temps qui a passé, contrainte et forcée de balader son âme inquiète et mélancolique et son corps fatigué.
La pièce est assez labyrinthique. Il y a des flash-backs où elle revit le passé, elle mène une quête désespérée...Parfois, dans les flash-backs, on retrouve la légèreté de la vie. Le personnage est là, il est incarné jusqu'au bout des chaussures avec une évidence et une sobriété exemplaire.
PITOU - Lui est séduit par le charme de sa voix qui distille émotion et poésie. L'homme est perdu, entraîné inlassablement dans la valse dramatique de ce duo chancelant..... comme semble leur échapper la parole qui, seule, les fait vivre. Dans son affrontement avec SARAH, il est impressionnant en vieux grigou indomptable, ambigu et manipulateur, fragile et retors. La tendresse dissimulée sous un cuir de vieux crocodile, pas encore vraiment un vieillard, il est assez âgé pour ne plus vouloir célébrer avec allégresse son pouvoir éphémère.
Cette soumission est-elle la condition pour vivre une histoire d'amour ?... Ils se contentent de vivre côte à côte (et d'écouter le cri de la langouste...?).
Pierre CASTELLO, metteur en scène